Le jeudi 25 janvier prochain à 15h30, à l’occasion de son Assemblée générale de rentrée, la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles aura le plaisir d’accueillir Madame Andrée CORVOL-DESSERT (Directrice de Recherche CNRS, Membre de l’Académie d’Agriculture de France), qui parlera sur « Les forêts européennes : entre passé et futur ».
Grosso modo, du Xe au XVIe siècle, la forêt suffisait pour le prélèvement et la fourniture de matériaux, d’herbages et de parcelles. Par la suite, en raison de l’essor démographique et de la pression sidérurgique, sa conservation sembla problématique, mais le premier facteur disparut au cours du XVIIIe siècle et le second à la fin du XIXe siècle. Ce furent les besoins accrus des foyers domestiques et des centres sidérurgiques qui amenèrent les possédants à restreindre les droits d’usage et les usagers, à réclamer le droit de propriété : quand cette requête aboutissait, il y avait propriété communale. C’est certainement sa proportion qui contribue le plus à différencier les politiques forestières de chaque Etat.
La Révolution desserra momentanément le contrôle sur les propriétaires particuliers, libéralisme qui disparut avec l’internationalisation de la guerre de 1792 à 1815. Partout, aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Allemagne, le bois fut déclaré ressource stratégique, d’où l’encadrement des exploitations, voire leur prise en charge par l’Etat, phénomène qu’on retrouvera pendant le premier conflit mondial. En fait, l’histoire des forêts européennes ne diverge véritablement que depuis une centaine d’années. En tout cas, en Europe, les forêts dites « anciennes » (Old Forest en Grande Bretagne) portent toutes les traces des coupes pratiquées dans le cadre des sociétés rurales, disparues pour la plupart. Cette anthropisation exclut d’y parler de « forêts primaires » quel que soit l’âge ou la forme de leurs arbres, la densité de leur couvert ou l’exubérance de leur végétation.
Les composantes sylvicoles varient avec la richesse des Etats en combustibles fossiles, d’où l’orientation « bois de feu » dans les pays du sud, pauvres en charbon de terre ; également, avec le taux d’urbanisation de chacun, les pays de l’ouest privilégiant l’accueil du public, même en forêt privée, d’où les contrats liant des propriétaires sylviculteurs à des entreprises ou à des métropoles. En ce cas, ce n’est pas la récolte ligneuse qui rapporte, mais les services environnementaux (retenue du sol, pureté de l’eau, etc.).
On assiste donc à une patrimonialisation, voire une sanctuarisation des espaces forestiers. Par ailleurs on n’a jamais autant consommé de bois, bois d’industrie (panneaux, pâtes, papiers) ou bois de construction (coffrage des bétons). C’est pourquoi l’Europe l’importe de plus en plus. Elle connaît pourtant une autre tendance : le glissement des entreprises de première et de seconde transformation vers les pays où la ressource Forêt demeure abondante (Tchéquie, Slovaquie, Pologne du sud), la main d’œuvre bon marché et les contraintes d’exploitation relativement légères. Les industries ligneuses, y compris celles de Scandinavie, désertent donc l’Ouest pour investir dans les ex-républiques populaires.
A terme, il est possible que l’Union européenne ait trois types de forêt. Une forêt essentiellement résineuse, intensément et rationnellement exploitée, régénérée grâce à des plants hautement sélectionnés et améliorés (Massif landais). Une forêt de loisirs, aménagée dans les zones de conurbation industrielle (Randstadt, Ruhr) ou dans les zones de fréquentation touristique (Croatie, Trentin), la forêt servant de décor (littoral, montagne). Une forêt friche, résultant de la déprise rurale : les arbres conquièrent les parcelles anciennement cultivées et les pâquis abandonnés en raison de la crise des élevages extensifs.
Cependant, les modifications climatiques, la priorité accordée au renouvelable et au local, l’importance de la chimie verte sont en train de rebattre ces cartes, qu’il s’agisse de la politique forestière envisagée à Bruxelles et de celle qui caractérise chaque Etat, en fonction de l’héritage accumulé et des changements récemment constatés dans les opinions publiques.
La forêt est aimée, mais son évolution, pas toujours comprise. Souvent, les associations de défense des paysages voudraient les figer. Or, les arbres sont comme les hommes : ils poussent et meurent. Pire : certaines essences, qui paraissaient exister depuis toujours, n’ont été introduites qu’au XIXe siècle et pour des besoins précis, sont aujourd’hui remises en cause par le réchauffement actuel. Les voilà inadaptées et donc condamnées à régresser. La Forêt ? C’est le mouvement perpétuel…
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Renseignements pratiques : de 15h30 à 17h au Vertbois à Liège, siège du secrétariat de la Chambre régionale.