Les livraisons du Bulletin de la Commission royale se suivent… et ne se ressemblent pas forcément. Ce numéro, où une fois de plus la variété des thématiques est à l’ordre du jour, mène le lecteur dans l’espace wallon, de Verviers à Mons, en passant par le Bassin de Liège, et dans notre Histoire, du XVIIIe siècle au XXe siècle.
L’hôtel de ville de Verviers, superbe bâtiment néoclassique de 1780, dû à l’architecte Jacques-Barthélemy Renoz, est le symbole des Libertés civiques de la Cité lainière, avec inscrite à son fronton cette devise : Publicité, Sauvegarde du Peuple. Il a fait l’objet d’une restauration complète, il y a une dizaine d’années. À partir de ce cas particulier, Francis Tourneur, membre de la section des Monuments de la CRMSF, donne un éclairage spécifique de la problématique relative à L’épiderme des monuments – l’hôtel de ville de Verviers. Pierres peintes, pierres feintes –Tradition oubliée ou hérésie contemporaine ? La question du revêtement (peinture ou enduit) des pierres de façade des monuments historiques est récurrente dans nos régions depuis qu’un dévoiement du goût au début du XXe siècle a entrainé leur décapage quasi-systématique, négligeant ainsi la présence séculaire de la couleur dans nos villes et villages. L’auteur présente ainsi divers monuments à Liège, Namur, Huy, Bruxelles, Attre, Andenne, Baelen, Marche-en-Famenne et Chatelet, où la question de l’approche chromatique du Patrimoine est posée.
La collégiale Sainte-Waudru à Mons est un des monuments gothiques majeurs de Wallonie. À la fin du XIXe siècle, elle a fait l’objet d’une opération de « dé-baroquisation » et d’une « néogothisation » bien dans l’esprit du temps, époque où la Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc du baron Béthune menait le haut du pavé parmi les architectes restaurateurs catholiques belges. Durant quinze ans, entre 1897 et 1912, tout sera mis en œuvre, malgré les avis plus que nuancés de la Commission royale des Monuments, pour rendre sa « pureté médiévale » au décor du monument, dans l’unité du style ogival, garant d’un « art authentiquement chrétien ». Noémie Petit, doctorante en Histoire de l’Art à l’Université Libre de Bruxelles, fait le point sur cette démarche radicale, dans son article L’introduction du néogothique dans les édifices de culte en Belgique au tournant du XXe siècle : le cas de la collégiale Sainte-Waudru de Mons. Unité de style, « dé-baroquisation » et nouveaux retables d’autel.
Le Bassin de Liège, de Flémalle à Visé, a connu de nombreuses et dramatiques inondations à toutes les époques. La plus ancienne relatée dans les annales remonte à 896. La dernière en date est de l’hiver 1925-1926 et est restée dans toutes les mémoires. Tout le centre de Liège était sous deux mètres d’eau. À Flémalle, Seraing, Jemeppe-sur-Meuse, Ougrée et Tilleur, le fleuve a envahi toutes les usines du fond de vallée sur une profondeur de quatre à cinq mètres. Des dizaines de milliers de foyers sont sinistrés. Une catastrophe économique et sociale de grande ampleur. Très rapidement, dès 1928, est mise sur pied l’A.I.D.E., l’Intercommunale pour le Démergement du bassin liégeois. Démergement est un mot peu usité, que l’on peut définir comme l’action de sortir un bâtiment ou un terrain d'une zone inondée par l'évacuation des eaux. Un programme de travaux gigantesques et de longue haleine est ainsi lancé à partir de 1930. Pendant quatre-vingts ans, l’A.I.D.E. construit et entretient les infrastructures nécessaires pour lutter contre les inondations : dragages, suppressions d’îles, constructions de hautes digues, de barrages, de bassins d’orage, d’exutoires et de stations de pompages. C’est à ces dernières, éléments exceptionnels de Patrimoine industriel trop peu étudiés à ce jour, que sont consacrés deux articles de ce Bulletin.
Le premier, Les stations de pompage du bassin liégeois : un patrimoine fragile, est dû à Romain Redeker, architecte issu de l’Université de Liège. Cette contribution permet de découvrir à la fois le contexte historique et les enjeux vitaux à l’origine de la construction de ces stations de pompages. Mais l’auteur a également établi et ce, pour la première fois, un inventaire exhaustif des trente-neuf stations construites au XXe siècle dans le bassin liégeois, présentant l’évolution de leur style architectural et de leur volumétrie caractéristique.
Le second article, La station de pompage principale n° 1 à Seraing, un patrimoine industriel invisible mais indispensable, est dû à Maria Eduarda De Morais Lopes, architecte, et Émeline Laboulfie, historienne de l’Art. Cette station de Seraing, construite en 1936-37, mêle les vocabulaires architecturaux du Modernisme et de l’Art déco. Elle est en outre un témoignage important de l’Histoire des techniques, ayant conservé tous ses équipements d’origine.
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