Inutile de chercher un fil conducteur qui relierait les quatre textes qui constituent le tome 30 du Bulletin de la CRMSF. Les sujets abordés sont en effet très différents : aspects techniques d’un matériau de construction médiéval, note d’Histoire de l’Art sur une façade Renaissance, analyse sur les problématiques de conservation des habitats ouvriers du XIXe siècle et présentation des nouvelles technologies (mesure, stockage et visualisation de données numériques) au service du Patrimoine. On le voit, c’est l’éclectisme qui cette fois préside au sommaire.
Madame Anne Godard, architecte, fait le point sur ses recherches relatives à la conservation et la restauration d’un matériau pierreux bien connu, emblématique de l’architecture liégeoise du Xe au XIIIe siècle : le grès houiller. L’ancienne église abbatiale Saint-Jacques, les anciennes collégiales Saint-Denis, Saint-Jean, Saint-Barthélemy et Sainte-Croix, l’ancienne église Saint-Antoine, voilà quelques exemples emblématiques de l’utilisation de cette pierre locale dans la construction de monuments, dont la plupart sont inscrits sur la Liste du Patrimoine exceptionnel de Wallonie. Les questions de son emploi, de sa mise en œuvre, de ses altérations, de sa conservation et les problèmes rencontrés pour sa restauration sont abordés dans cette contribution qui vient bien à son heure, au moment où des restaurations d’édifices patrimoniaux majeurs sont envisagées à Liège (anciennes collégiales Saint-Jean et Sainte-Croix).
Figure bien connue dans les milieux du Patrimoine, Monsieur Jean-Louis Javaux, historien de l’art, récemment retraité de l’Administration du Patrimoine, livre de son côté une analyse historique et architecturale du château de Loyers, monument classé par arrêté de l’Exécutif de la Communauté française du 23 avril 1987, et plus particulièrement de sa façade d’inspiration Renaissance (1561), dont la restauration exemplaire il y a vingt ans a permis la mise en évidence d’un décor inconnu jusqu’alors. Polychromie des matériaux et décor s’inspirant de l’Antiquité romaine, tout concorde à donner à cette façade ce caractère typiquement Renaissance que l’on ne voit que trop rarement dans nos régions.
Monsieur Gérard Bavay, docteur en Histoire et membre de la CRMSF, suit depuis longtemps pour la Commission royale, les chantiers de restauration et aménagements des divers habitats ouvriers dans les deux sites emblématiques de la Révolution industrielle que sont les ensembles de Bois-du-Luc, à La Louvière, et du Grand-Hornu, à Boussu. Les ressemblances et les dissemblances entre ces deux cités du XIXe siècle sont bien mises en évidence et les questions liées à la propriété de ces maisons, de leur gestion collective ou individuelle et des conséquences pratiques que cela implique, sont bien abordées dans le détail par l’auteur. Peintures et badigeons, percements (portes, fenêtres et châssis), toitures, corniches, mais aussi espaces intérieurs et cours et jardins, tous ces éléments sont passés en revue avec les problèmes constants rencontrés dans le cadre de leur restauration.
En janvier 2017, le professeur Roland Billen a donné une conférence dans le cadre du cycle de la CRMSF, dont le titre était Les explorations numériques du Patrimoine. Cette conférence a abordé les avancées technologiques et une série de réalisations de l’Unité de Géomatique de l’Université de Liège en la matière, ainsi que les pistes de développements d’un nouveau système d’information numérique dédié au Patrimoine et à l’Archéologie. Cette conférence appelait une suite écrite dans le Bulletin de la Commission : c’est maintenant chose faite.
Ce qu’on nomme généralement la « transition numérique » concerne tous les secteurs de l’activité humaine et le Patrimoine, dans ses divers aspects (documentation, conservation, fiche d’état sanitaire, étude préalable, archéologie du bâti, restauration, mise en valeur, etc.), n’y échappe naturellement pas. L’équipe de l’Unité de Géomatique du Département de Géographie de l’Université de Liège, sous la houlette du professeur Roland Billen, en collaboration avec les professeurs Pierre Hallot, de la Faculté d’Architecture de l’Université de Liège, et Mathieu Piavaux, de l’Université de Namur, donnent ici une contribution présentant les récentes évolutions techniques qui bouleversent les méthodes traditionnelles de documentation géométrique du patrimoine bâti. Nous nous trouvons en effet actuellement face à une véritable remise en question des compétences utiles en matière de connaissance du Patrimoine. Les systèmes de documentation patrimoniale, hérités du support papier (plans et cartes en deux dimensions), cèdent ainsi progressivement la place à de nouveaux moyens d’information numérique qui introduisent la troisième dimension. Cette mutation numérique doit se nourrir de la réflexion commune des techniciens de la géomatique et des spécialistes du Patrimoine, permettant l’émergence d’un nouveau champ d’investigation que certains appellent déjà l’archéomatique.
Ce volume du Bulletin de la Commission royale, qui porte le millésime 2018, est le 30e de la série initiée en 1970 et le 15e édité depuis que la Commission a été régionalisée en 1989. Il est disponible via notre boutique en ligne.