Une fois de plus, le Bulletin de la CRMSF nous permet de faire des bonds dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi qu’au fil des trois articles réunis dans ce numéro, nous passerons de ruines d’un château du Tournaisis du XIVe siècle, aux sgraffites dans la ville de Liège au tournant des XIXe et XXe siècles, en passant par le portail de style Renaissance de l’ancienne église abbatiale Saint-Jacques à Liège.
Trois sujets biens différents, aussi dans leur typologie, qui mettent bien en valeur la grande diversité du Patrimoine en Wallonie.
Monsieur Robin Penay, titulaire d’un Master en Histoire de l’Art et Archéologie de l’ULB, nous présente une étude relative aux ruines du petit château médiéval de Vaulx-lez-Tournai, classé comme monument par A.S.G. du 21 juin 1943, et au maître d’ouvrage de sa construction, vers 1350, le chevalier Sausset d’Estainkierke, seigneur de Vaulx. À cette époque, le château de Vaulx, qui relevait du Comté de Hainaut, ne faisait pas partie, contrairement à Tournai, du royaume de France. Il présente néanmoins toutes les caractéristiques des châteaux dits de type « philippien », en référence au roi Philippe-Auguste (1165-1223), ce qui est assez rare dans nos régions. L’auteur nous détaille les différentes composantes de la construction (tours, courtines et logis) et leur évolution dans le temps.
En février 2016, on inaugurait la restauration du porche de l’église Saint-Jacques à Liège. Témoignage rare de l’influence de la Renaissance italienne dans nos régions, ce portail, très influencé par le style maniériste, est attribué au grand peintre liégeois Lambert Lombard. Sa restauration exemplaire nous est présentée par l’évêque de Liège, Monseigneur Jean-Pierre Delville, et par les architectes auteurs de projet, notre collègue Yves Jacques et Monsieur Xavier Tonon. L’iconologie des six personnages représentés et des textes bibliques qui ornent le portail est suivie de la présentation du chantier de restauration proprement dit, qui s’est étalé de mai 2014 à janvier 2016, y compris les études préalables (étude lithologique et étude stratigraphique et topographique de la polychromie).
L’inventaire des sgraffites de Liège : une étape clé sur le chemin de la préservation : voilà un sujet innovant et peu exploité jusqu’à présent en Wallonie. Nous le devons à Monsieur Laurent Brück, attaché spécifique Géographe-Urbaniste à la Ville de Liège (Département de l’Urbanisme), et Madame Célia Deroanne, restauratrice d’objets d’art et de décors muraux. Nos deux auteurs ont donné une conférence sur ce sujet dans le cadre du cycle de la CRMSF en mars 2016. Depuis, cet inventaire, Répertoire des sgraffites de Liège, est disponible sur Internet, sur le site de la Ville de Liège (www.liege.be). Le sgraffite est une technique de décoration murale qui trouve son origine dans l’Antiquité, mais qui est revenue au-devant de la scène à la Renaissance, singulièrement en Italie. Mais c’est surtout au tournant des XIXe et XXe siècles que cette technique vient enrichir la palette des arts décoratifs dans nos pays d’Europe du Nord-Ouest. Avec les divers mouvements modernistes européens, Arts and Crafts en Grande-Bretagne, Art Nouveau en France et en Belgique, style Liberty en Italie, etc., les architectes et les artistes ornemanistes vont largement faire appel au sgraffite pour embellir les façades des immeubles de cette époque. À Liège en particulier, les nouveaux quartiers, construits en périphérie du centre historique entre 1870 et 1914, sont ponctués de ces maisons « modernistes » dotées de pareils compositions : rue Dartois, rue du Vieux Mayeur, rue de Fétinne, rue de Campine, etc.
Ces trois articles mettent en lumière trois éléments fondamentaux en matière de protection et de conservation du Patrimoine.
La notion d’Inventaire du Patrimoine, en l’occurrence d’inventaire thématique pour les sgraffites, est centrale dans le processus de meilleure connaissance du Patrimoine dans tous ses aspects, dans toute sa diversité. Cette démarche, d’ordre scientifique, constitue un préalable incontournable à toute politique de protection et de conservation du Patrimoine.
Les études historiques et archéologiques d’un bien classé comme monument, constituent de leur côté le préalable indispensable à l’élaboration d’un bon dossier de restauration, particulièrement pour les monuments les plus anciens, comme le château de Vaulx-lez-Tournai.
Enfin, le bon suivi du chantier de restauration par les auteurs de projets et les instances compétentes (Administration et Commission royale), doit permettre de s’assurer que les travaux se déroulent bien selon les règles de l’art et donnent toutes les garanties scientifiques et techniques que l’on est en droit d’attendre pour les monuments classés.
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